Le château de la duchesse Elsia.
Traduit du japonais à l’anglais par Fighting Dreamers Scanlation
Traducteur : Biribiri
Relecteurs anglais : Momoji & PureEnergy
https://fightingdreamersscanlations.wordpress.com/
Traduit de l’anglais par Merlock pour le site Slayers Evolution-R.
http://slayersevolutionr.free.fr/
Relecteur français : Liclic
Edition : GruicLe maléfique sorcier fut pulvérisé par mon Dragon slave avec l’intégralité de son armée de "monstres mort-vivants", en même temps d’ailleurs que le château blanc au bord du lac, dans lequel ils avaient trouvé refuge…
« Pfiou ! Un boulot facile ! », je me retournai et fis un clin d’œil, « ça le fait ! »
La puissance de ma magie avait dû impressionner la duchesse Elsia et ses chevaliers ainsi que l’autre fille qui se trouvait aussi là car ils restèrent figés sur place, la bouche grande ouverte.
La couronne de la duchesse lui avait à moitié glissé du crâne, mais de toute façon elle était mal ajustée…
Le château s’était effondré du haut de la falaise et l’avalanche des débris était allée s’engloutir dans le lac en contrebas sans laisser subsister la moindre trace. Le tout n’avait pris que quelques instants. Je me tournai vers le lac et fis un ‘V’ de victoire.
« Mouhahaha !! Pour moi, Lina Inverse, guerrière et sorcière, c’était du gâteau ! Tout est bien qui finit bien, victoire !
- Mon, cul, oui ! »
Et la duchesse Elsia m’envoya un grand coup de pied au derrière !
***
« Mais c’est un monde, ça ! C’est vraiment injuste !! Je n’ai rien fait d’autre que mon travail aussi consciencieusement que possible, c’est tout ! Aaah !! J’en pleurerais !! »
Je frappai violemment la table avec la grosse chope que je venais de vider cul-sec.
« Par pitié, ne mets pas ton manque de sens commun sur le dos de l'injustice du monde ! »
La fille assise en face de moi avala le contenu de sa chope à la même vitesse que j’avais vidé la mienne, puis la leva au ciel comme pour l’examiner avant de la reposer. Simultanément, nous commandâmes une nouvelle tournée. Pour votre information, je buvais un simple jus de fruit. De son côté, sa chope contenait un alcool coûteux qui risquait bien de lui monter rapidement à la tête…
Bien qu’elle eût bu au même rythme que moi, la couleur de son visage n’avait pas varié d’un iota.
« Quoi, mon manque de sens commun ? Qu'est-ce qu'il a mon manque de sens commun ?
- Hé bien, déjà, où en as-TU fais preuve, de sens commun ?
M'entendre dire ça de la part d’une personne telle que toi, qui s'habille sans un gramme de bon sens, et guère plus de tissus d’ailleurs, c'est la meilleure ! », lui dis-je en toisant son costume inutilement provoquant…
« Je trouve que t’as une sacrée grande gueule, crevette !
- Et moi, je ne suis pas comme certaines qui envoient tous les nutriments directement vers leurs nichons, plutôt que vers leur cerveau !
- Oh là là ! Tu ne penses pas que le problème n’est pas le fait que j’ai des gros nichons, mais plutôt le fait que tu en as de… trop petits ? »
Un tic nerveux traversa mon visage, mes sourcils se soulevèrent légèrement.
« T-t-t’es une petite comique, toi, hein… ?
- Ho-ho-ho.
- Hin, hin, hin », grinçais-je...
Nos regards s’affrontèrent de part et d’autre de la table… Vu l’atmosphère, un client n’y tint plus et s’esquiva de la pièce aussi vite que possible…
Le patron se prit la tête entre les mains.
Il faut préciser, ici, que c’était par hasard que, pour ce boulot, je faisais équipe avec cette femme, mais il se trouve que je la connaissais depuis longtemps.
Son nom était « Naga le Serpent Blanc », elle était ma plus grande et ma plus puissante rivale au monde… Du moins, c’est ce qu’elle prétendait.
Je n’admettrai jamais une chose pareille (et là, je le dis franchement) !
La seule et unique personne que je considère comme une rivale est une fille qui est restée là-bas, chez moi. Ceci même s’il est possible qu'elle ne remarque tout simplement jamais mon existence…
Par le passé, cependant, il m’était arrivé de combattre Naga et, à une occasion, j’avais même dû lui concéder la victoire.
Cette fois, notre désaccord portait sur notre boulot actuel.
C’était un boulot classique. Un mois auparavant, un sorcier avait lancé un groupe de morts-vivants à l’assaut du château de la duchesse Elsia. Il s’agissait du fameux château de Lantus, petit mais renommé pour sa grande beauté. Tout d’abord, faute de défenses suffisantes, le château était facilement tombé entre les mains du sorcier, mais la duchesse Elsia était parvenue à s’échapper avec quelques chevaliers survivants et tous brûlaient d’abattre le sorcier.
Seulement, ils ne pouvaient pas le faire seuls, faute d’une puissance de frappe suffisante. Certes, si la duchesse avait requis l’aide du roi, celui-ci aurait mis son armée à sa disposition mais cela aurait été comme proclamer son impuissance à travers tout le pays. Avec un peu de malchance, on lui aurait même retiré son autorité seigneuriale. C’était pour cette raison qu’elle avait sollicité l’aide de deux sorcières qui se trouvaient passer dans le coin.
En clair : Naga et moi.
Le boulot, qu'on nous avait confié, était de vaincre l’armée des morts-vivants ainsi que le sorcier qui tirait les ficelles, ce qui fut fait. Et pourtant…
« Mais, bon sang ! Où est le sens commun dans le fait de faire sauter tout le château avec l’ennemi qui l’occupe ?
- Ben quoi, c’est efficace, non ? », j’étouffais un petit rire.
« Et quand on a signé le contrat, la duchesse Elsia n’a pas précisé qu’il ne fallait pas faire sauter le château…
- Normalement, personne ne devrait avoir besoin de préciser une chose pareille ! À ce niveau-là, ce n’est même plus une question de sens commun !! », hurla Naga en tapant sur la table. « Et à cause de ça, elle est folle furieuse et a déclaré que nous ne serions pas payées tant que nous ne lui fournirions pas un nouveau château... Peux-tu seulement imaginer à quel point c’est embarrassant pour moi ? Quand j’avais accepté ce boulot, j’avais bien entendu dire que j’aurais une partenaire… Mais si j’avais su que c’était toi, je ne l’aurais jamais accepté !!
- Eh bien moi non plus ! »
L’atmosphère se fit à nouveau lourde… Je décidais de briser cette ambiance. Je poussai un grand soupir et regardai ailleurs.
« Bah ! Peu importe ! La seule chose certaine, c’est que rester assises ici ne nous mènera à rien. Le problème, c’est cette histoire de château de remplacement ; on ne peut quand même pas lui en construire un neuf !! Alors, soit on lui en trouve un vieux resté inoccupé, soit on en fauche un à son propriétaire… »
- En faucher un à son… ? », Naga hoqueta.
« T’es pas croyable, toi !
- C’est pas un problème si on le prend à un être maléfique, n’est-ce pas ? Dans tous les pays, la loi stipule que les méchants n’ont aucun droit.
- C’est faux ! »
C’était faux, en effet, mais je ne pensais pas qu'on dût reconnaître des droits à des gens qui ne reconnaissaient pas de droits aux autres. Mais, pour l’instant, il ne servait à rien d’en discuter avec elle…
« Cela dit, je n’ai pas entendu dire qu’il existe dans le coin un groupe de bandits assez futés pour utiliser un château en guise de repaire… », continuais-je.
« Ah ! À ce sujet, j’ai une piste…
- Vraiment ? »
Naga opina.
« Sauf que... ce ne sont pas des bandits. C’est un sorcier. »
***
« Nous y voilà », dit Naga en s’arrêtant.
« Vous voulez dire que c’est… ça ? », répondit la duchesse d’un air dégoûté. Elle rajusta d’une main sa couronne qui recommençait à lui glisser du front… Du reste, les chevaliers de son escorte n’affichaient pas non plus des expressions plus engageantes…
Enfin, je suppose qu'on n'y peut rien.
C’était un vieux château aux pierres noircies, recouvert d’une épaisse végétation et situé loin au cœur des montagnes, lesquelles se trouvaient cependant à peu de distance d’une ville. Il pouvait faire office de repaire idéal pour des bandits, mais on l’imaginait mal servir de résidence à une noble dame et ses chevaliers…
D’après Naga, dix ans auparavant, dans un quelconque pays, le sorcier qui vivait ici avait mené des expériences louches sur des cobayes humains, ce qui lui avait valu d’être recherché par les autorités. En fuite, il erra quelques temps à droite et à gauche avant d’arriver ici et de s’installer.
Je n’avais pas la moindre idée de comment elle avait appris ça, mais c’était clair qu’elle avait accès à des sources d’informations que j’ignorais…
« Pour quelqu’un comme moi, qui ai reçu mes terres et mon titre du roi en personne, devoir vivre dans un château comme celui-là, c’est…
- Ah… euh, hé bien… il ne ressemble pas au précédent, c’est sûr… », l’interrompis-je.
« Mais pour ce qui est des châteaux immédiatement disponibles sur vos terres, il n’y a que celui-là. Et si vous exigez de nous que nous vous en reconstruisions un neuf, simplement parce que celui-ci ne vous plaît pas, alors là je vous garantis qu’on va vraiment se foutre en rogne !!
- Mais, heu… », la duchesse risqua un coup d’œil vers ses chevaliers. Eux aussi étaient clairement très, très mécontents…
« Bien ; il semble que nous n’avons guère le choix… Et puisqu’il n’y a rien d’autre… Et puis une fois rénové il devrait avoir l’air… Peut-être pas fameux, mais… »
Elle prononçait ces paroles comme si elle cherchait à se convaincre elle-même, tout en rajustant sa couronne qui lui glissait de la tête une fois de plus…
J'acquiesçai :
« Alors comme ça c’est réglé ! Allez, Naga, on y va !
- D'accord ! », approuva-t-elle, avant de se placer à mes côtés. Puis nous entrâmes en action.
La duchesse et ses chevaliers suivaient de près, quand nous perçûmes une odeur de décomposition. Évidemment, le château avait des gardiens. Cinq squelettes et trois goules…
« Oh dieux ! Des morts-vivants… ! », pesta la duchesse depuis les profondeurs des taillis où elle s’était précipitée. « Je ne les supporte pas ! Les zombis puent plus qu’une charogne en plein été, les goules me répugnent et les squelettes sont tout simplement repoussants ! »
Naga jeta un regard agacé à la duchesse qui venait d’entamer une autre série de jérémiades.
« Je ne peux certes pas reprocher à la duchesse de détester les morts-vivants, mais je commence à trouver franchement pénible de devoir l’entendre râler en permanence dans mon dos ! »
Petit hors-sujet, il y a une raison tout à fait valable pour que des sorciers fassent appel à des morts-vivants pour protéger leur résidence, ou toute autre chose d’ailleurs, c’est que c’est gratuit. En y réfléchissant, c’est d’ailleurs parfaitement évident…
On trouve sans difficulté des montagnes de cadavres, simplement en traînant dans les cimetières ou sur les champs de bataille. On y instille un fantôme de faible pouvoir ou on l’infeste de ce qu’on appelle des « vers mortifères » et voilà ! Un zombi, un !
Faut-il préciser qu’ils n’ont besoin ni de nourriture, ni de soins, ni de salaire ? Leur seul coût est celui de leur production et ils sont utilisables jusqu’à ce qu’ils pourrissent au point d’être rendus incapables d’agir (non, n’essayez même pas d’imaginer). Ah !, évidemment, ils puent…
Lorsqu’ils deviennent inutilisables comme zombis, on peut toujours instiller dans les ossements un fantôme du même genre que pour les zombis, ce qui les transforme en squelette animé. Comme ça, on peut les exploiter jusqu’à l’os, littéralement. Et c’est si économique…
Évidemment, qu’il s’agisse de zombis ou de squelettes, l’inconvénient est que, du fait de leur stupidité, ils ne comprennent que les ordres simples. Si quelqu’un s’emmêle dans les instructions, ils deviennent inutiles.
Chez les sorciers, on raconte d’ailleurs le triste mais célèbre épisode de l’attaque d’un château à l’aide de plus d’une centaine de ces squelettes. Comme les ordres du sorcier étaient de tuer tout ce qui bougeait dans le château, les squelettes se battaient entre eux dès qu’ils en passaient les portes et furent anéantis sans avoir causé le moindre dommage…
Et, non, cet imbécile de sorcier, ce n'était pas moi.
Pour les travaux nécessitant plus de souplesse d’esprit, il y a les goules. Quand on les nourrit avec, disons, les zombis trop pourris pour être utiles, elles deviennent plutôt loyales… Même si ce n’est pas vraiment une bonne idée qu’elles s’attachent trop à vous...
Un jour, alors que je rendais visite à un sorcier, j’avais juste jeté un sourire trop crispé à la goule qui faisait là office de serviteur et je fus manquée de peu par un sort offensif…
Mais revenons à notre histoire, car, entre temps, la duchesse avait repris son monologue…
« Au demeurant… », ajouta-t-elle, « ces gardes risquent de nous poser un petit problème… Une avant-garde de squelettes pour accueillir les intrus tandis que les goules appellent les renforts, c’est bien cela… ? Comment va-t-on régler ça… ? »
À ces mots, Naga et moi nous regardâmes d’un air entendu.
« Tout juste…, et puisqu’on est dans le même camp, cette fois, je ne vois qu’un seule tactique possible…
- Donc, tu parles de…, cette tactique-là ? », dit Naga avec un sourire carnassier…
C’était exactement ce à quoi je pensais : l’approche directe et brutale !
Même si ce n’était pas comme cela que je pouvais présenter les choses aux autres.
***
Une goule raffermit sa prise sur sa lance. Les squelettes levèrent leurs épées à hauteur de poitrine. Ça voulait dire qu’ils restaient méfiants face à deux filles s’approchant du château bille en tête…
Bien sûr, c’était Naga et moi. Vu le manque de discernement des squelettes, je ne pouvais pas me prononcer sur leur cas, mais pour les goules nous devions avoir l’air de deux femmes marchant dans leur direction tout en discutant amicalement…
C’était vrai, nous nous regardions et riions tout en marchant, mais les paroles qui franchissaient nos lèvres n’étaient pas les derniers potins.
Nous étions en train d’incanter en sourdine des sorts offensifs.
« Alors, on y va ?
- On y va ! »
Nous nous arrêtâmes et lançâmes nos sorts exactement au même moment.
« Fireball !
- Freeze Brid! »
Hein ?
La sphère de lumière rouge que j’avais lancée et la sphère de lumière bleue lancée par Naga semblèrent interagir bizarrement, puis elles changèrent radicalement de trajectoire, comme si elles étaient attirées l’une par l’autre pour aller se percuter bien avant d’avoir atteint les squelettes qui se tenaient toujours près de la porte…
Il y eut un tintement bref accompagné d’un petit éclair lorsque les sphères s’annihilèrent mutuellement…
« …
… »
Nous restâmes toutes deux figées et sans voix.
J’avais compris : ce qu'il s'était passé c'est ce qui arrive quand une magie du feu entre en collision avec une magie de glace. Mais ce n’était vraiment pas le moment d’admirer le résultat !
« Ah bravo ! T’avais vraiment besoin d’incanter un sort à la noix ? », hurla Naga.
« Ça veut dire quoi, ça ? Et d’abord c’est ma réplique ! Et qu’est-ce qui t’a pris d’incanter un sort de glace aussi minable ? », rétorquai-je sans me démonter.
« Mais qu’est-ce que tu crois ? Les sorts de froid sont bien meilleurs à utiliser en été, ce n’est pas le tout d’utiliser des sorts tape-à-l'œil !
- Assez, espèce d’idiotes !! »
De derrière, je perçus la voix de la duchesse Elsia, en même temps, d’ailleurs, que son pied. Dans un bruit sourd, Naga et moi percutâmes simultanément le sol tête la première.
« Outch ! Mais pourquoi ?
- Pas de ça avec moi ! », hurla la duchesse, « et, plus important, faites quelque chose à propos de ceux-là ! »
À ces mots, je regardais vers le château. Les goules avaient disparu à l’intérieur et les cinq squelettes se traînaient dans notre direction en brandissant leur épée.
Tout juste ! Ce n'était pas le bon moment pour une engueulade.
Naga et moi fîmes face aux squelettes.
« C’est de ta faute, vu ? T’arrêtes pas de râler ! », lui glissai-je, alors que je me tournai vers le danger.
« J’t’ai entendue hurler aussi. », marmonna-t-elle en retour.
J’allais répondre, mais je changeai d’avis.
« Arrêtons ça, sinon Sa seigneurie va encore nous botter le train.
- Pas faux. »
Nous commençâmes à incanter.
« Dam Brass! »
Cette fois, nos paroles furent parfaitement synchrones. Deux squelettes furent éparpillés d’un seul coup, mais les trois restants continuèrent vers nous sans sourciller (ce qui est normal, vu qu’ils n'ont pas de sourcils).
« Faites place ! », crièrent les chevaliers en même temps qu’ils se jetaient en avant.
« Fichez le camp », leur hurlais-je, « c’est trop difficile de les combattre avec seulement des épées ordinaires ! »
Mais il était trop tard, les chevaliers croisaient déjà le fer avec leurs ennemis. Un des chevaliers décapita un squelette d’un coup d’épée large, la tête sauta en l’air, resta l’espace d’une seconde comme bizarrement suspendue en plein vol, puis retomba exactement à sa place. Ce fut tout et le squelette poursuivit ses attaques comme si rien ne s’était passé.
« Haaa ! Nos épées ne servent à rien ! C’est comme la dernière fois ! »
Bordel, mais ces chevaliers n’apprenaient donc jamais rien ? À quoi servent les erreurs, bon sang ? En tout cas, je crois que je commençais à comprendre pourquoi le précédent château avait été si facilement capturé.
Le problème était que si j’avais fait usage de magie à ce moment-là, ça aurait aussi causé des pertes parmi les chevaliers.
« Laissez-moi faire ! », cria Naga en commençant à incanter.
Elle n’envisageait quand même pas de les vaporiser tous en bloc, chevaliers inclus, n’est-ce pas ? J’étais sûre qu’il n’en était rien, évidemment…
« Megido Flare ! »
C’est pas vrai !
À peine avait-elle incanté son sort, que des flammes écarlates enveloppèrent en vrac les chevaliers et les squelettes.
Les squelettes tombèrent en poussière en un instant.
Les chevaliers se précipitaient dans tous les sens en hurlant.
« Haaa !!! Mais…heu ? Tiens ? C’est même pas chaud… »
Megido Flare… Un sort de magie blanche utilisé par les prêtres de haut rang. Il atténue l’action du mal, les sentiments d’hostilité et repousse les fantômes de faible pouvoir aux intentions maléfiques. Inutile de dire qu’il n’a aucun effet sur des chevaliers faits de chair et de sang. En fait, il combat les intentions meurtrières et les mauvaises pensées, ce qui a pour effet d’apaiser le sujet…
Je n’aurais jamais imaginé qu’une femme portant la panoplie complète de la Sorcière maléfique typique eût été capable de lancer un sort pareil…
« Bien joué, Naga !
- Oh, ce n’était rien. »
Elle leva le pouce et me fit un clin d’œil, lorsque la Duchesse Elsia lui flanqua un autre coup de pied !
« C’est malin de nous foutre la trouille comme ça, triple idiote !! »
Comme suzeraine elle était plutôt du genre irascible, ses chevaliers n'avaient pas du rigoler tous les jours avec elle…
« Dame Sorcière, regardez ! », cria un des chevaliers.
Une dizaine de squelettes et de zombis franchissaient à la queue-leu-leu la porte du château. Oh la barbe ! Ce que ça pouvait être agaçant !
J’étendis latéralement les bras tout en incantant, puis je pointai ma main droite vers un des morts-vivants.
« Disfang ! »
Mon ombre sur le sol commença à se déformer et à s’étirer… ou plus précisément, l’ombre d’un énorme dragon prit vie depuis l’intérieur de ma propre ombre. En un clin d’œil, il franchit l’espace situé entre moi et les morts-vivants et, de sa mâchoire, il attaqua furieusement leurs ombres.
À ce moment-là, une série de bruits de craquements et de mastication se fit entendre ; les os des squelettes furent broyés et les chairs des zombis furent arrachées. À l’endroit exact où elles s’étaient trouvées l’instant d’avant, ne restaient que des ombres broyées… On distinguait clairement une trace de morsures dans la chair d’un des zombis.
« Reviens, dragon d’ombre !»
Par cet ordre, la forme de mon ombre redevint normale.
« Tu n’es pas mal non plus », dit Naga, « mais je n’en attendais pas moins de la part de ma rivale. »
Bon sang, j’allais peut-être encore me répéter, mais elle n’était pas ma foutue rivale !!
***
Après avoir vaincu le groupe de morts-vivants devant la porte, nous nous ruâmes à l’intérieur du château. De là, nous observâmes les lieux pendant quelques instants, mais nous ne perçûmes pas le moindre mouvement…
L’occupant des lieux avait probablement compris que nous combattre à l’extérieur était un gaspillage de ressources et avait décidé de nous attirer à l’intérieur pour nous y vaincre plus facilement…
Mais peu importait car, quel que soit le stratagème employé, il est impossible de me vaincre, moi, Lina inverse !
Et si nécessaire, je vaincrais même si je devais faire sauter le château tout entier en même temps que ses occupants !
Euh… non, ça on me l’avait interdit.
Mais, d’une manière ou d’une autre…
Dans l’immédiat, l’entrée principale se trouvait juste en face de nous. À l’opposé, se trouvaient les escaliers menant aux autres étages.
À peine étions-nous entrées qu’une porte située sous les escaliers s’ouvrit, révélant les zombis qui se trouvaient derrière.
Naga s’avança, plaça les mains sur ses hanches et s’écria, :
« Ho-ho-ho-ho !! Pensez-vous vraiment avoir la moindre chance contre moi, Naga le Serpent, avec ça ? Qu’importe que vous envoyiez cinq ou même dix zombis… »
Mais la nuée de zombis continuait de venir…
« …Ou même dix ou vingt… »
Hé là ! Hé là ! Le flot de zombis continuait de croître…
« …Ou même trente ou quarante… »
Et il en venait encore et encore…
« …Pfou ! »
Naga ricana doucement, se tourna vers moi et me tapota l’épaule.
« Bon, je te laisse gérer ça, Lina. »
Bordel de…
Même si ce n’étaient que des zombis, ici à l’intérieur je ne pouvais pas utiliser aveuglément des sorts d’attaque massifs, le résultat était que les combattre tous deviendrait vite épuisant. S’ils avaient décidé de jouer sur le nombre et de me charger alors même que j’incantais, j’allais me retrouver en sérieuse difficulté…
« Pfff ! », soupirai-je, « je suppose que je n’ai pas le choix… » Je levai ma main droite bien au-dessus de ma tête tandis que j’incantais…
« Dam Brass ! »
Une portion du plafond explosa et retomba en une pluie de débris autour de nous.
Tout en incantant un autre sort, j’agrippai Naga. C’était le sort « Levitation ». Toujours tenant fermement Naga, je flottai dans les airs et criai en direction de la duchesse :
« On s’occupe des ennemis du premier étage ! »
Celle-ci pâlit instantanément.
« A-attendez une minute ! Vous ne vouliez pas plutôt dire ‘laissez-nous faire et partez’ ou quelque chose comme ça ?
Nan ! », répondis-je abruptement.
Ainsi va le monde, c’est à qui aura le dernier mot…
La duchesse hurla encore quelque chose en notre direction, mais nous l’ignorâmes et filâmes vers le premier étage à travers le trou que j’avais ouvert dans le plafond avec « Dam Brass ».
***
Cinquième étage, le sommet.
Là était la salle où se trouvait le sorcier que nous recherchions.
Parvenir jusqu’ici depuis le premier étage n’avait pas été une partie de plaisir ; nous avions d’abord pensé que les zombis du rez-de-chaussée auraient constitué le gros des forces ennemies, mais tel n’avait pas été le cas. Sans cesse, des nuées de zombis, de goules et de squelettes s’étaient jetées sur nous en un grouillement ininterrompu.
J’étais impressionnée par le nombre de morts-vivants créés ; ce sorcier ne devait vraiment avoir rien eu d’autre à faire…
Alors d’accord, ce n’étaient que des zombis, mais si nous avions décidé de stupidement les démolir un par un, nous aurions été épuisées au moment de rencontrer le nécromancien, maître tout puissant de ce château. Ni l’une ni l’autre, nous n’aurions eu l’énergie de lancer la moindre boule de feu…
Son plan était très probablement de nous avoir à l’usure.
C’est pour cela que nous avions utilisé le même truc que pour atteindre le premier étage, nous avions fracassé les murs et les plafonds pour passer au travers, éviter les barrages de morts-vivants et arriver finalement ici…
« Bien, bien…
- On y va ! »
Naga et moi défonçâmes la porte d’un même coup de pied. Quatre grandes silhouettes de forme humaine se découpaient au milieu des ombres d’une salle sordide et mal éclairée.
Nous lançâmes nos sorts exactement au même moment. Je lançai un sort de « Flare Arrow », Naga lança un sort de « Freeze Arrow ». Nous visions chacune une silhouette différente.
Mon sort frappa de plein fouet sa cible et le feu éclaira fugacement les ombres. C’était un Golem de pierre !, ce qui signifiait, naturellement, que le sort n’avait pratiquement eu aucun effet.
Le bref éclat de lumière généré par le sort m’avait également permis d’apercevoir une autre silhouette, humaine cette fois, assise sur un trône tout au fond de la salle… Nul doute que nous avions là notre sorcier.
Pour l’instant, je n’avais aucunement l’intention de combattre le sorcier, car même si je lui avais lancé un sort offensif et l’avais descendu, les zombis qui exécutaient ses ordres n’auraient pas cessé d’agir pour autant… Il fallait absolument que ce sorcier maléfique annule les ordres donnés à ses sbires morts-vivants.
Plus important encore, bien qu’il eût été un sorcier maléfique, venir semer la pagaille chez lui et le démolir simplement par intérêt personnel n’était-il pas trop cruel de notre part ?
Oh d’accord, je vous entends penser :
« Mais si c’était un méchant, n’était-il pas juste de simplement lui botter les fesses sans se préoccuper de son point de vue ? »
Bien sûr que c’était juste ! (Ah ! Et j’avais le mot de la fin, encore une fois !)
Bien sûr que Naga était totalement d’accord avec moi sur ce point !
C’est d’ailleurs elle qui me ramena à la réalité.
« Lina! Tu as attiré l’attention des golems ! Laisse-moi m’en occuper ! »
À peine avait-elle dit cela que Naga commença à incanter, elle semblait avoir une idée derrière la tête. Je lançai mon sort de « Dam Brass » vers les golems qui approchaient à grands pas, seulement comme ils n’étaient pas seulement gros mais aussi sacrément solides, je ne pouvais tout simplement pas les abattre d’un seul coup !
Alors je les visais aux jambes, ma priorité étant de les immobiliser pendant que, dans l’intervalle, Naga poursuivait son incantation.
Cela ressemblait à une sorte de sort d’invocation, mais c’est une technique que je ne connaissais pas très bien.
Les deux mains placées à hauteur de poitrine, ses doigts dessinaient différents types de signes aux symboliques mystiques, une légère goutte de sueur apparut sur son front.
Et quand le sort fut prêt.
« Gu Ru Dooga ! »
L’apparition survint en réponse au « mot de pouvoir. »
C’était un dragon Dimos !
Ce sont des dragons quasiment légendaires qui vivent uniquement dans les Monts Kataart, le domaine du « Roi démon du nord » qui commande aux ténèbres de ce monde. Leurs écailles noires absorbent la lumière et leur souffle ne répand que le néant…
Oubliez les golems, même les dragons d’or, pourtant considérés comme les « Seigneurs des dragons », doivent s’incliner face à une telle puissance.
Pour dire les choses clairement, quand quelqu’un invoque un truc comme ça, il vous reste le choix entre invoquer une magie qui fait appel au pouvoir du Roi démon en personne ou courir vite. Ce genre de dragon est réellement invincible.
C’est le genre de carte maîtresse bien plus que suffisante pour terrifier vos ennemis et les forcer à capituler…, 0du moins si vous êtes effectivement capable de l’invoquer correctement.
Je devais admettre que Naga était vraiment une sorcière puissante, elle était capable d’invoquer une pareille chose en se limitant à dessiner des figures symboliques avec ses doigts, tout en incantant, sans même avoir dessiné un cercle d’invocation.
Néanmoins…, à quoi pensait-elle, bon sang, en invoquant un dragon à l’intérieur d’une foutue pièce !?
Avec son corps massif coincé entre le sol et un plafond d’une surprenante solidité, il n’était plus capable que d’agiter désespérément la queue et, en plus, constituait un obstacle…
« Mais tu pourrais réfléchir un peu avant d’employer la magie, non !? », hurlai-je.
« La barbe ! Pourquoi est-ce que TOI, tu ne fais rien, dans ce cas ?
- C’est bon, je vais te montrer comment on procède ! »
Je venais juste d’improviser un nouveau plan…
Cela dit, ce sorcier commençait vraiment à me gonfler. Bien qu’ayant assisté à tout le combat, il restait tranquillement assis sur son trône. Était-il sûr de lui à ce point ou bien ses jambes l’avaient-elles trahi ? Je jugeai plus sûr de considérer qu’il nous réservait une petite surprise…
Bon, inutile de trop se casser la tête à ce sujet et agissons !
« Dam Brass! »
Mon sort fora un trou dans la poitrine d’un des golems, celui-là même auquel j’avais précédemment brisé les jambes avec un sort. Même s’il utilisait ses bras pour soutenir son corps, il était fortement restreint dans ses mouvements… Et surtout il me bloquait la vue ; de là où j’étais je ne voyais plus le sorcier sur son trône…
Du doigt, je désignai le golem.
« Naga ! À mon signal, lance un ‘Dam Brass’ exactement là où mon sort a frappé ! Sois précise ! »
Elle me sourit et me répondit.
« Ce sera du gâteau ! »
J’acquiesçai avec force et fonçai vers le golem.
« Et tâche de ne pas me toucher, moi !
- Ça devrait aller ! »
Dans son cas, le ‘devrait’ était vraiment un gage d’incertitude…
Bon, dans mon cas aussi…
Lorsque le golem me remarqua courant dans sa direction, il poussa un véritable rugissement à faire trembler le sol, sa masse imposant était presque sur moi.
Je fis un geste de la main droite.
« Maintenant ! »
C’était évidemment le signal adressé à Naga. D’une façon assez peu naturelle, le golem balança son bras dans ma direction. Si un pareil coup m’avait touchée, j’aurais été gravement blessée mais l’attaque était trop prévisible et j’esquivai aisément en plongeant. Je parvins à hauteur de la poitrine du golem et posai mes deux mains sur son flanc.
J’arrivai pile au bon moment. À l’instant précis où le sort de « Dam Brass » de Naga frappa le golem et l’émietta, je terminai d’incanter mon propre sort.
« Dill Brand ! »
Normalement, ce sort ne fait qu’expédier terre et roche vers le ciel en une grosse explosion mais j’avais un peu changé la technique, cette fois. Touché par le sort de Naga, le golem avait été réduit en miettes et, à cet instant précis, mon propre sort expédia les débris droit devant !, c’est-à-dire directement vers le trône où se trouvait le sorcier. Dans le même temps je bondis dans le sillage de l’avalanche de pierres, ainsi je pouvais frapper le sorcier à bout portant au cas où les pierres n’auraient pas suffi à le neutraliser.
Une telle manœuvre était impossible à anticiper. Comme tout ce qui importait était de frapper l’adversaire d’un coup direct en espérant que l’impact le rendrait incapable de continuer le combat, il ne suffisait pour cela que seulement l’une d’entre nous y parvienne.
J’étais presque arrivée au trône, le sorcier avait-il prévu d’esquiver on pas ? Ou bien en était-il incapable ? Même à cet instant, la silhouette sur le trône ne bougea toujours pas d’un pouce.
« Je te tiens ! »
Je me frappai victorieusement la poitrine de mon poing et… m’arrêtai net avant de me mettre à hurler et hurler encore…
***
« Santé ! »
Naga et moi étions en train de trinquer dans un bar grâce à l’argent de la récompense versée par la duchesse Elsia. Bien sûr, Naga s’était fait servir un alcool fort, bien sûr je buvais un jus de fruit. Dans un même geste, nous vidâmes nos verres cul-sec et commandâmes une autre tournée !
Je piochai dans les plats disposés sur la table.
« C’était quand même un drôle de boulot, tu ne trouves pas ?
- Ouais… », acquiesça Naga tout en mordant dans un morceau de poulet, « et je me demande bien contre quoi on s’est battues en fin de compte… »
Je reposai distraitement dans le plat la pièce de mouton que je m’apprêtai à manger. Je me rappelai la forme assise sur son trône dans le château, laquelle n’était plus que le cadavre pourrissant du sorcier. Il était probablement mort d’une maladie quelconque, ce qui était évident si on prenait la peine d’y réfléchir. Après tout, ça ne doit pas être très sain de vivre au milieu de morts-vivants en décomposition, la maladie est, sans doute, venue des zombis qu’il avait lui-même créés…
Et quand il s’est retrouvé grabataire, aucun zombi, goule ou squelette n’était capable d’aller lui acheter les remèdes dont il avait besoin. Ses derniers instants ont vraiment dû être tragiques…
Une note à l’attention de tous les sorciers maléfiques du pays : ce n’est pas une bonne idée de ne faire protéger votre repaire que par des morts-vivants. Ça revient peut-être plus cher, mais c’est mieux d’engager aussi des suivants bien vivants, eux.
Les goules et autres morts-vivants créés suivaient à la lettre les ordres de leur maître, mais rien de plus et ils étaient incapables de réaliser que leur maître était mort…
Après le combat dans la salle du trône, nous avions détruit les golems restants, Naga avait renvoyé le dragon et nous avions provisoirement quitté le château.
Après avoir consulté la duchesse, qui avait fui, nous avions passé les dix jours suivants à exterminer les morts-vivants demeurés dans le château.
Et aujourd’hui, nous avions remis le château à la duchesse Elsia, ce qui nous avait permis de toucher la récompense promise.
« …Mais, au final , la duchesse était vraiment contente, n’est-ce pas ? »
Naga acquiesça.
« Elle a la quarantaine, un sale caractère et ses excentricités mais après l’avoir vue heureuse à ce point, je ne pense pas qu’il s’agissait d’une mauvaise femme. »
Soudain, la porte du restaurant fut ouverte d’un violent coup de pied. Confuses, Naga et moi vîmes la duchesse Elsia, objet de notre conversation, se tenir sur le seuil. Elle avait les yeux injectés de sang et ses épaules se soulevaient convulsivement alors qu’elle tentait visiblement de reprendre le contrôle de sa respiration. Elle n’essayait même pas de rajuster sa couronne qui lui glissait une nouvelle fois du front…
« Duchesse… »
L’atmosphère soudain écrasante nous faisait inconsciemment retenir notre souffle…
«Est… est-ce que votre nouveau château vous plaît ? », dis-je dans l’espoir de détendre un peu l’atmosphère…
La duchesse me répondit avec un grand sourire.
« Oh oui ! Il était extrêmement confortable… Jusqu’à il y a peu lorsqu’il s’est effondré, je veux dire… »
Naga et moi réagîmes à l’unisson.
« Quoiii ?
- Il… il était… hem… assez ancien… », hasarda Naga
« Oui, sans doute », ajoutai-je. Puis je corrigeai « non, en fait il l’était bel et bien c’est certain !
- Ouais… », sembla confirmer la duchesse, « mais il était aussi devenu assez fragile, depuis qu’une certaine sorcière y a creusé sans rime ni raison des tas de gros trous un peu partout à l’aide de sa magie ! »
Naga et moi, nous nous regardâmes avec une expression douloureuse…
« On fiche le camp !
Fichons le camp ! »
Nous bondîmes exactement en même temps…
« Arrêtez ! Vous n’irez nulle part ! »
Et…
Une fois de plus la duchesse Elsia nous envoya une série de grands coups de pied au derrière.
Le château de la duchesse Elsia –Fin.