S'il est un titre controversé qui n'a jusque là jamais réussi à se faire sa place dans l'univers Saint Seiya, c'est certainement Episode G. Trop différent de l'univers original et loin d'être aussi bon que l'excellent Lost Canvas, il s'agit peut-être là du seule véritable échec de cette grande saga (le tome 1 de Next Dimension est sauvé par la suite).
Quelles sont les raisons de cet échec ?
Attention, je préviens, ma critique va être assez acide !
Tout d'abord, vous l'aurez tout de suite remarqué, le design, s'il a un style très prononcé, est à des années lumières du style Saint Seiya habituel. Beaucoup n'adhèrent pas devant ces personnages qui donneraient l'air aux polygones de Final Fantasy VII d'être super-expressifs.
Si les pages colorisées sont encore assez jolies, la plupart du manga est en noir et blanc et, alors, les images deviennent souvent illisibles, notamment lors des combats censés faire la part belle au spectaculaire.
Mais je vais surtout m'attarder sur le scénario et là, croyez-moi, c'est pas triste.
Le héros, Aiolia, est le jeune chevalier d'or du Lion qui doit apprendre à trouver sa place dans le Sanctuaire et comprendre les responsabilités d'un chevalier.
Seulement voilà, son grand frère Aioros, le chevalier d'or du Sagittaire, a été tué par les autres chevaliers d'or et, depuis, la vie n'a pas été tendre avec le pauvre Aiolia.
Rejetés par les autres chevaliers d'or et les rejetant eux-mêmes, aimant son frère tout autant qu'il le hait, le jeune Aiolia est ainsi un grand dépressif, incapable de s'accepter parce qu'il est l'image même de son frère, cloitré en permanence dans sa maison du Lion, se coupant du reste des autres chevaliers et ignorant les règles du Sanctuaire.
Un sale gosse capricieux, en pleine crise d'adolescence, qui se comporte comme si on l'avait envoyé à la DASS après le décès de son frère et qu'il ne s'y plait pas mais n'a nulle part d'autre où aller.
Autant ce genre de personnages peut être sublime par le grotesque (Shinji Ikari), autant là Aiolia est véritablement insupportable et on se fout bien qu'il crève.
Pour raconter l'histoire de son antihéros, Episode G tente de rationaliser les agissements du Sanctuaire, en collaboration avec les services secrets de différents pays (je vous renvoie pour ça à l'opening ridicule du titre qui fait passer Aiolia pour un super-héros à la sauce mythologie).
Le système interne du Sanctuaire est lui aussi expliqué, tranchant ainsi avec la part de naïveté du Saint Seiya original qui faisait son charme.
Le titre s'attarde aussi considérablement à démontrer les relations d'Aiolia avec les autres chevaliers d'or (sans vraiment que cela soit intéressant, le pire étant Milo du Scorpion qui passe pour un ado complètement débile).
Là, on retrouve un peu la formule "1 tome = 1 chevalier d'or" si chère à la première partie de Lost Canvas, sauf qu'autant Lost Canvas se concentrait principalement à les présenter en combat (au point, souvent, de s'écarter radicalement de l'intrigue, tout en étendant parfois de manière intéressante l'univers), autant Episode G tente une approche plus psychologique, liée aux névroses d'Aiolia, qui ne fait pas mouche du tout.
Dans le genre "héros solitaire écorché par le destin", autant dernièrement Teshirogi a réussi à créer un Tenma absolument sublime de force et de tristesse, autant l'Aiolia d'Okada a davantage sa place dans une cellule psychologique.
En fait, si Aiolia peut faire penser à un autre personnage de BD, ça serait Batman. Tout d'abord par le comportement antisocial et les troubles psychologiques, ensuite par le deuil qui hante perpétuellement le personnage, mais aussi par l'intrusion d'un "Robin".
En effet, comme si Okada avait ressenti le besoin d'apporter un contre-poids plus light à Aiolia, ce dernier recueille une gamine orpheline, tentant ainsi de se créer une famille de substitution pour régler ses problèmes psychologiques. Et là, tous les clichés sont permis.
Enfin, l'ultime blasphème de l'Episode G à l'univers Saint Seiya, c'est qu'à part les ennemis déclarés des chevaliers (les Titans), Aiolia et les autres chevaliers d'or affrontent de véritables monstres mythologiques.
De là, on se demande quelle était l'intention d'Okada. Pourquoi tenter de rationnaliser quelque peu l'univers Saint Seiya si c'est pour après le plonger dans un fantastique où même la série originale avait posé une limite ?
Enfin, rajoutons un humour lourdingue avec des personnages aux traits déformés (comme on en voit un peu parfois dans les mangas kawai) qui contrebalance totalement avec la noirceur voulue de l'oeuvre.
Ainsi, Okada, s'il affiche par moments des intentions, n'hésite pas à se contredire par la suite en faisant l'exact contraire. Cela fait que le fan ne sait pas par quel pied danser avec ce titre étrange où les persos ne ressemblent à rien, où les combats, censés être grandioses (avec des chevaliers d'or clairement bien plus puissants que ceux du manga original au passage), perdent de leur impact par leur illisibilité qui fait qu'on passe plus de temps à scruter les cases pour distinguer les formes qu'à suivre l'histoire...
Episode G n'est pas un bon titre. Et, plus encore, ce n'est absolument pas un bon Saint Seiya. Autant Teshirogi, véritable fan de l'oeuvre originale, avait réussi à présenter une vision personnelle accessible, intéressante et toujours très respectueuse de l'univers Saint Seiya, visiblement très inspirée, autant Okada semble ne pas s'être fixé de limites et être parti sans trop savoir où il allait vraiment, trahissant à de multiples reprises les règles de l'univers Saint Seiya (ce qui n'est pas forcément un crime du moment que ça se justifie, seulement ça n'apporte rien justement) et livrant un titre sans réelle saveur où on finit par se demander le pourquoi. Pourquoi cette oeuvre ? Qu'est-ce que ces épreuves ont apportées au final ?